AMazone air line-Viande d'homme très protéique

Devant le visage et le corps en costume du mort, toutes reculent sensiblement. C’est Karin qui coupe le cou et déjointe la tête de la colonne vertébrale sur les indications du docteur. Déshabiller le corps est plus simple. C’est Hélène qui se charge de détacher les membres et la peau, avec l’aide de beaucoup de mains et de multiples objets comme des limes à ongles. Quand toute la viande est rassemblée dans une serviette et les abats et thorax dans une autre, cela paraît plus facile.

Le feu est rechargé et une multitude d’yeux surveillent la cuisson, partagés entre l’horreur, la faim et l’excitation. Dès que le premier groupe estime que la cuisson d’un bras est suffisante, la totalité se jette sur sa part ; Nancy en dernier, mais présente tout de même.

Le goût fadasse, les mauvaises conditions de cuisson, l’absence de sel, ne gênent pas la violence de ce repas de sauvage. Ce n’est que repues, que les Louves se séparent, la honte ultime reprenant le dessus.

Marc aperçoit la lumière du camp à ce moment-là, et il trouve toutes les femmes très calmes et un peu apeurées. Beaucoup pleurent en silence ; elles sont méconnaissables ! À la vue de Marc, certaines semblent vouloir rentrer sous le sable ; les yeux sont exorbités.

Plus loin, au clair de lune, il voit l’emplacement de la tombe mais il ne la reconnaît pas. La casquette est loin et tout semble avoir été fouillé ; à côté, se trouve le sac en plastique contenant un ballon vraisemblablement. Il ouvre et tombe à la renverse de peur et de dégoût. Le visage de Denis est violet sous la lune et l’odeur du sang séché est forte. Qui a pu ? Qu’ont-elles fait ? Il pique droit vers le feu ou discutent Ambre et Kadeira avec de grands gestes. Marc arrive les poings faits et dépasse les deux femmes d’une tête :

« Pourquoi avoir dérangé le corps et l’avoir mutilé ? Crie-t-il. Son regard se pose sur les restes d’un repas près du feu où il reconnaît un fémur.

— Les filles avaient faim »,dit simplement Kadeira avec un sourire grinçant. Ambre essaye de contrôler la situation :

« On a voté ; il fallait manger ; ça n’a fait plaisir à personne mais on l’a fait toutes ensemble.

— Je ne sais pas si on t’en a gardé… » Dit dans un franc éclat de rire, Kadeira, pas mécontente de lire l’effroi sur le visage d’un mec.

« J’ai trouvé des tortues ! », finit par hurler le pilote quand il réussit à reprendre son souffle. Les révélations, la vision des os et l’imagination de ce repas abominable ont sur lui l’effet d’un coup de poing dans le ventre.

« Où ça ? Reprend Ambre très intéressée de trouver un menu de substitution.

— De l’autre côté de l’île, à quatre heures de marche vers le nord ; j’en ai retourné deux pour ne pas qu’elles se sauvent mais il y en avait une vingtaine. » Puis il tombe dans les pommes ; l’émotion, la faim et la fatigue font un cocktail dangereux dans ses veines.

Dès qu’il est inanimé sur le sable, les femmes se rapprochent lentement les unes après les autres. Seules Nancy et Amanda se penchent pour le tirer et l’appuyer contre l’arbre le plus proche. Le cercle des naufragées fait vingt mètres avec le feu, le pilote, Kadeira et Ambre au centre.

« Il a trouvé des tortues de l’autre côté de ce qui est bien une île déserte ; dès les premiers rayons de soleil, nous partirons vers le nord et la nourriture. 

— Pourquoi nous séparer ? S’interpose Kadeira. Nous avons de l’eau pas loin et filles sont crevées…

— Parce que les tortues sont là-bas ! réplique Ambre assez fort pour que toutes entendent.

— Marie n’est pas là ; tu n’es pas la chef, et la situation n’est pas la même qu’au siège. Le pilote a l’air costaud et bien juteux… », dit la fille d’un air plus sadique qu’elle n’est vraiment. Mais elle est satisfaite de tenir sa vengeance contre ses violeurs et tous les hommes de la terre. Elles sont maintenant vraiment libres.

C’est à ce moment mal choisi, que Marc retrouve ses esprits. Tous les regards obliques convergent vers lui ; le même qu’ont les hommes quand ils croisent à plusieurs une jeune fille en jupe dans une ruelle. C’est appétissant, de la viande sur pied à se mettre sous la dent...



06/05/2013
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