Ambiguité éducative 1

 

                                        Prologue

 

« Pardonnez moi mon père, parce que j’ai pêché… Elle a poussé la petite porte de bois dérisoire et s’est assise dans la pénombre. L’odeur de la poussière et de l’encaustique en est presque rassurante ; c’est l’odeur surgit du fond de sa jeunesse. Déjà, la femme à la quarantaine, se sent presque confessé mais pas du tout absoute.

-Allez-y, parlez ma fille. La voix de l’autre côté, est pleine de fatigue et de bienveillance ; usée par la somme des misères quotidiennes et les travers de sa communauté, mais pleine d’empathie comme le regard du berger sur son troupeau dans la lande.

-Je ne sais pas par où commencer… C’est vrai qu’on avait de plus en plus de difficultés avec Romain ; il répondait à la maison, il séchait à l’école et ses résultats du dernier trimestre s’en sont ressentis… On a été convoqué par le proviseur qui a compris notre désarroi comme la plupart des autres parents d’adolescents mais il fallait qu’on marque le coup… L’homme d’église derrière sa grille sent monter la tension dans le discours de la femme, comme l’intrigue d’un film noir quand l’homme s’empare du pic à glace avec la volonté désespérée d’en détourner l’usage premier. Le silence de l’édifice est à la fois rassurant et inquiétant : Irène baisse encore le son de sa voix dans le confessionnal. Mon mari, ne savait plus comment agir, partagé entre l’envie de n’être pas trop dur et de le battre. Le punir de sorties où de télévision ne faisait qu’augmenter la rupture avec son propre enfant… Le prêtre sait qu’elle va maintenant tout dire, vider son sac trop lourd, demander de l’écoute et l’aide du ciel. Des petits chérubins vont sans doute se détacher de l’azur pour venir l’aider personnellement, elle et son mari avant qu’ils sombrent vers l’irréparable.

Et puis il y avait cette publicité dans le journal, vous savez, celle qui promet une famille radieuse, épanouie, en harmonie ; des parents réconciliés avec leurs enfants, regardant ensemble vers un futur serein. Elle se rend compte qu’elle récite le prospectus ; la promesse d’une vie nouvelle, refaite, neuve, a pénétré dans son subconscient en quelques lectures et flashs télévisés tronqués. Nous avons longuement réfléchi avec mon mari ; en plus, notre plan d’épargne logement était mûr et on voulait ce qu’il y a de mieux pour nos enfants n’est-ce pas ? Le curé ne répond pas derrière le lambris ajouré ; il ne peux pas répondre, lui qui n’a pas d’enfant, de famille, ces soucis là… Dieu nous garde, et puis il n’a pas non plus de plan d’épargne logement…

Nous avons écrit, il y a deux mois pour prendre rendez-vous et avons été dans ce grand centre à l’entrée de la ville pour remplir les questionnaires ; on a signé les autorisations et les renoncements aux poursuites bien sûr. Je ne voyais pas ce que je lisais tellement je pleurais ; et oui, une mère reste une mère, même devant le devoir….

Nous avons reçu Romain reconditionné il y a deux semaines exactement. Le changement est radical : il met la table, a une conversation apaisée avec nous si on le sollicite, respecte les heures de coucher et de sommeil. On a aussi immédiatement ressenti un mieux à l’école : Il a obtenu facilement des notes qui avant étaient inenvisageables. Mon mari a été content de signer la dernière interro de math pour la première fois!

Mais maintenant, c’est justement à cause de ces changements si flagrants, si spectaculaires, que je m’inquiète et me tourne vers vous ; oui je sais, il y a longtemps que je ne me suis plus confessé… Pas beaucoup de temps et rien de très remarquable dans ma vie quotidienne ; mais là, j’ai éprouvé le besoin de m’en ouvrir à Dieu, alors que c’est pratiquement une renaissance pour notre fils : On souhaite ce qu’il y a de mieux pour nos enfants, n’est-ce pas mon père ?



10/03/2018
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