Amers Blafards-Cannibalisme moderne

L’an 3, 10 juin

 

Le groupe est un peu à l’écart des autres ; deux familles visiblement. Les deux femelles doivent parler chiffons ou faire semblant de s’inquiéter pour l’avenir de leurs chères têtes brunes…

Les mâles ont les pieds dans dix centimètres d’eau ; un mince et un dodu. Personne d’autre de visible sur la plage ; ils se sont éloignés du village de vacances, plus que d’habitude. C’est une aubaine : pour cette première chasse au Globo, il convient de ne pas attaquer frontalement le gibier. Il suffirait d’isoler un ou deux petits qui peuvent moins se débattre, mais il ne s’agit pas de kidnapping, il est question de nutrition ; de plus, les lois naturelles de la chasse sont universelles, pour un prélèvement harmonieux et durable, il convient de ne pas toucher aux plus jeunes, qu’il s’agisse de cochons sauvages ou de Globos…

Le théoricien, celui qui les a décidés à passer à l’exo cannibalisme est là, dissimulé dans les broussailles, Pâle Henri. Le risque de la carence en vitamine D commence à se faire ressentir ; il y a eu cette année deux naissances avec des handicaps physiques. Il faut trouver rapidement une option. Le guide des Blafards depuis le Grand Retrait a une fois de plus trouvé la solution : plutôt que de revenir à l’état de dégénérés métissés qui se prélassent sur la plage, il y a une autre solution ; on peut pratiquer l’anthropophagie en complément alimentaire, entendu que les Globos ne sont plus exactement des humains, puisqu’ils ne travaillent plus pour améliorer leurs conditions de vie.

Lors du vote par les sages, il n’y a eu que très peu d’opposition ; juste le vieux Le Terne, mais lui et son maçon de fils ne sont pas indispensables puisqu’ils ne sont pas chasseurs. Ils seront quand même contents d’avoir une descendance sans D-ficiences…

Parmi les chasseurs présents pour la première capture, il y a les meilleurs ; Jean Le Crayeux est là avec Alphonse Blême, mais il y a des rabatteurs comme Robert Neige qui sont là aussi. En tout, une troupe de vingt hommes sont masqués par le maquis et les arbousiers.

Les deux Globos marchent sur la grève en direction des rochers ; ils sont détendus et parlent fort dans leur langue ; ils sont si près des assaillants que les Blafards peuvent sentir l’odeur de leur peau gorgée d’UV. Le chef des chasseurs évalue si c’est le bon moment ; les femelles surveillent leurs petits, donc il faudra qu’elles choisissent. La plupart sont effrayés ; c’est la première fois qu’ils participent à une chasse contre un gibier de la même taille qu’eux, de la même intelligence. Bien sûr, les Globos n’ont pas une couleur de peau normale et communiquent bizarrement ; aucun des Blafards n’est sûr que le globish soit une langue complète, avec ses phrases et ses codes…

Le Crayeux bondit le premier, les autres sortent dans le même mouvement, sauf Pâle Henri qui reste à l’abri. Le plus maigre des deux gibiers regarde en direction des femmes, puis choisit de faire face au lieu de fuir. Le gros fonce tête baissée sur les assaillants armés de haches et de lances, alors qu’il a les mains nues. Les Blafards essayent de les séparer, si possible d’assommer le plus maigre ; les femelles crient des choses incompréhensibles, mais comme prévu, restent avec les petits. Un des deux agrippe le bras de Robert Neige ; la traînée de crème tache la peau brune. Enfin Alphonse Blême réussit à assommer le maigre avec un gourdin ; la femme s’époumone à distance. Ils sont incapables de juger si la femelle est belle ou pas entre l’éloignement et la couleur de peau…

À plusieurs, ils immobilisent le dodu, le bâillonnent et le portent vers le maquis ; il doit bien faire son quintal ! Arrivé à l’orée du village, le groupe de chasse est rejoint par les deux éclaireurs qui surveillaient d’éventuels poursuivants. Mais maintenant, le plus dur reste à faire : le gibier est indemne et il a apparence humaine ! C’est là que Pâle Henri fait le choix rapide, efficace, l’apanage des grands chefs…

Il arrache le couteau de la ceinture de Le Crayeux et tranche la gorge noire très vite, le bras plié ; il lui a donné l’accolade, le baiser de la mort. La tête du Globo lui tombe sur son épaule, presque entièrement coupée ; c’est fini, le chef a la crème complètement rouge sang. Celui-ci ressemble beaucoup à l’hémoglobine blafarde…

Il ne reste plus qu’à débiter les membres pour enlever toute apparence humaine et commencer à dépecer le derme gorgé de vitamine D. Après tout, c’est une chasse, comme une autre, et ils sont des chasseurs…

 



09/02/2013
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