AMers Blafards - La nouvelle chasse au lapin

Une fois sur le sentier, les lapins tentent leur chance, chacun de leur côté. Arthur Le Terne hésite une demi-seconde, puis choisit celui qui se dirige vers le village ; avec un peu de chance, un autre chasseur le verra venir en face de lui. Malheureusement, personne ne survient et l’animal au bout de quelques bonds, oblique dans un taillis du maquis. Le jeune homme ralentit, puis s’arrête ; encore une course pour rien ce matin. Il rentre la tête basse comme tous les jours depuis le début de la semaine.

Bien sûr, ce serait tellement plus simple si on attrapait un couple ou deux, puis de les laisser copuler, comme des lapins, afin de manger les rejetons ; mais ce serait rétrograder, revenir comme dans l’ancien temps, céder et finir comme les autres, les Globos…

Arthur s’est éraflé la crème sur les avant-bras dans la poursuite ; il va falloir en remettre rapidement, car le soleil est bientôt au zénith. Ses pas lourds le font longer le jardin de Robert Neige ; celui-ci est en train de bêcher ses épinards.

« Oh petit ! D’où viens-tu comme ça ? Puis voyant la lance à sa main, ha, tu l’as encore loupée cette compagnie de perdreaux… »

La crème goutte de son front, mélangée à la transpiration.

« C’était un couple de lapins, mais ils m’ont échappé tous les deux.

– Au moins, mes légumes ne se sauvent pas, eux ! À bientôt, Arthur, et dis bien à ta mère que j’ai encore du potimarron, si elle en veut…

– D’accord, au revoir monsieur Neige ! »

Il n’aime pas être vu revenir sans rien quand il rentre au village ; ce Robert n’est pas un méchant, mais le jeune homme a sa fierté. Et puis, depuis la mort de son père, c’est à lui de ramener des protéines à la maison, viande ou autre.

Arthur habite un peu plus loin, dans la rue Sabine Immaculée. Toutes les maisons sont en pierre, mais peintes à la chaux bien sûr ; les volets sont pleins afin de protéger au maximum de la lumière du soleil. Les fenêtres sont minuscules et toutes orientées au nord… 

« M’man, je suis rentré ! »

Il enlève ses chausses montantes, puis accroche son coupe-soleil à la patère de l’entrée.

« Tu n’as encore rien pris ?

– Non, j’ai couru après deux lapins, mais je n’en ai attrapé aucun… »

Il raccroche sa lance au râtelier dans le salon.

« Et ton arme ? Il faut la lancer, Arthur ! Ce n’est pas une course à pied, c’est de la chasse !

– D’accord M’man, mais si on avait des armes à feu, comme dans l’ancien temps, cela serait plus facile pour chasser… »

Madame Le Terne est dans sa cuisine, elle fait la conversation avec son fils d’une pièce à l’autre ; il n’y a que dans cette configuration-là qu’ils arrivent à se parler. Iphigénie Le Terne est encore une belle femme, mais elle ne trouvera personne pour partager à nouveau sa couche ; son époux est mort dans des conditions étranges.

« Toujours tes idées bizarres ! Tu sais bien que plus personne n’a de munitions depuis des années ! Bon allez, si tu ne comptes pas ressortir, va te laver avant de mettre de la crème de partout ; après, tu aideras ta sœur à sa lecture. Sa moyenne de blafard est catastrophique ce trimestre ! »

Arthur Le Terne en a assez d’être pris pour un enfant par sa mère ; il n’a pas beaucoup envie d’aider Aurélie, sa cadette qui se prélasse sur un fauteuil devant lui, au lieu de faire ses devoirs. Mais c’est vrai qu’il doit aller se nettoyer : il vient de faire une grosse traînée grasse de crème sur le mur du salon. Demain matin, rebelote, se faire tartiner avant de sortir dès le lever du soleil, et chasser à la lance tout ce qui peut se manger.



28/04/2013
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