Benoît XIII ou le roman de Terrisse - Ablutions papales

L’eau est à peine tiède, mais le baquet est assez confortable ; il ne faut pas se plaindre, alors qu’on est en voyage en pleine campagne. C’est une aubaine que Vincent ait trouvé ce castelet au bord de la route. La chambre est assez spacieuse et la vue sur la campagne au sud reposante. Mes gens peuvent se reposer un peu et surtout les chevaux que j’entends galoper au bord du vallon. Tiens, il y a une petite lumière plus bas dans la vallée ; c’est sans doute des vilains attachés à la propriété. « Albain, passe moi de quoi me sécher, je vais attraper la mort dans ce courant d’air, malgré mon bonnet et remet un peu de bois dans cette cheminée minuscule. Ensuite, tu iras voir si le chef de la garde a organisé le tour de garde aux chariots dans la cour ; et puis, tu iras installer mes accessoires et mon reliquaire dans leur petite chapelle sous la maison afin que j’aille prier avant de me coucher.

- Oui très saint père !

-Sois moins obséquieux et un peu plus efficace ! » Le moine ne dit plus rien et s’active maintenant. La chemise de Pedro Martinez de Luna, dernier pape d’Avignon est assez vaste pour recouvrir avec lui tous ses infortunés prédécesseurs du Grand Schisme. Ce voyage est éreintant à son âge, mais comment faire ? Pendant des années, il a résisté politiquement et militairement à Boucicaut et ses assassins qui en voulaient à sa vie et à ses trésors. Maintenant, il a choisit d’aller au devant du danger et se confronter à l’usurpateur qui siège à Rome.

Peu de temps après, le grand personnage descend l’escalier central de la maison. Il porte son bonnet comme tout le temps ainsi que son long manteau rouge ; mais les gens de la maison l’ont-ils reconnu ? Pedro Jam, son confesseur, qui l’attend au pied de la volée de marches avec les hôtes n’a en tout cas, rien dit. Jean de Terrisse est accompagné de son épouse Anne de Simiane ; un tout jeune enfant, est accroché à sa robe.

« Votre excellence s’est un peu reposé ? Voici nos hôtes, ils sont rattachés aux Pontevès et donc aux Castellane. Venez dans la grande pièce où il y a un bon feu ! L’amitié qui lie les deux hommes est sans tâche, même si le confesseur a quinze ans de moins que son illustre aîné. Ils arrivent dans une enfilade de trois pièces, reliée chaque fois par un arc voûté ; dans celle du centre siège une confortable cheminée où Jam a fait approcher un fauteuil droit.

-Pedro, je ne prendrai qu’un peu de soupe claire ce soir avec du brouet. Ensuite j’irai me recueillir dans votre chapelle si vous le permettez…

-C’est sans problème, faites comme chez vous ; elle est consacré à Saint Jean, le patron de Terrisse depuis deux siècles. Le visiteur, sans se lever,  fait signe ensuite au moine d’approcher pour lui donner un objet dans une étoffe. Le tissu renferme un calice doré qui étincelle à la lueur de la flambée. Tenez, Jean de Terrisse, pour le désagrément de notre visite tardive et votre accueil sympathique.

-Ho merci, je ne sais pas comment vous remercier…

-Je le garde, je le laisserai  sur votre autel après l’avoir bénit à même la chapelle. Que la paix du Seigneur repose sur cette maison et sur ses charmants habitants ; disant cela, Pedro Martinez de Luna, regarde La belle et blanche Anne, puis son regard descend jusqu’à l’enfant.

Comment s’appelle t’il ?

-C’est mon fils Louis, il vient d’avoir deux ans et c’est une grande joie pour moi d’avoir une descendance à ma lignée. C’est un enfant vif, mais vous l’intimidez un peu Excellence, car ici on est peu habitué à recevoir des visiteurs, de qualité ou pas, si loin des routes de Saint Maximin ou de Fréjus…



10/06/2013
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