Benoît XIII ou le roman de Terrisse - L'apocalypse arrive et elle n'aura pas de retard

 Ce n’est d’abord qu’une rumeur qui vient du couchant ; Simon croit que le mistral lui joue un sale tour en bruissant dans les feuilles de la ligne de peupliers en haut, vers la route de Cotignac. Il s’arrête un instant de bêcher la banquette de fèves. Avant, c’était pour Monsieur qu’il la faisait, comme son père et son grand-père avant lui ; maintenant, il ne sait plus pourquoi il en fait toujours autant : le vieil homme ne pourra pas toutes les manger, ni fraîches, ni en soupe ; il en donnera à Francine. Ce sont les deux derniers occupants du château de Terrisse, comme les cariatides sur la façade. S’il ne connaît pas l’origine du mot, Simon admet la fonction de soutien et d’esthétique des deux sculptures qui encadre la porte d’entrée.

Maintenant, la femme de ménage occupée à nettoyer les carreaux du salon du premier étage s’est penchée à la fenêtre et scrute l’horizon avec une curiosité mêlée de crainte. Enfin apparaît les premiers gens qui attaquent la dernière descente dans leur direction. C’est une véritable troupe bigarrée ; malgré la distance de presque une lieue, les deux serviteurs commencent à voir la présence de cavaliers, de charrettes au milieu des piétons. Des lances sont visibles, et des faux et des fourches ; des fusils sans doute quoi que moins nombreux. Ce n’est visiblement pas une troupe militaire ordonnée. Les chemises blanches du peuple sont les plus nombreuses, et des bonnets phrygiens sont visibles entre les tricornes de la garde nationale et les têtes nues.

Simon laisse sa terre à moitié retournée ce qui n’est pas son habitude et se dirige vers la bâtisse sans avoir lâché sa bêche ; Francine agit de même en fermant les contre volets de toutes les pièces du haut. Les deux gardiens n’ont toujours pas échangé un mot, comme un vieux couple qui connaît les moindres gestes de l’autre. Assez vite, la troupe est à mi-pente et elle est bruyante comme si elle était déjà dans la cour du château. Simon a reculé jusqu’au grand escalier serrant sa pioche contre lui. La vieille servante est quelques marches plus haut sur le palier dans la pénombre maintenant, son tablier est son unique armure.

Un moment après, ils entendent des pas sur les graviers, puis des éclats de voix, puis des hennissements de chevaux, des bruits de ferrailles comme des armes que l’on monte en faisceaux. Puis taper à la grande porte avec véhémence et autorité.

« Ouvrez ! C’est le comité Révolutionnaire de Cotignac ; nous agissons sur ordre du district de Barjols et nous voulons nous assurer de la personne du citoyen Pothonier ! Bien sûr, les deux gardiens auraient arrêté jusqu’aux battements de leur cœur pour se faire oublier, disparus dans un trou de souris ; mais le château de Terrisse n’a pas de souterrain salvateur ou du moins les deux vieux gardiens n’en ont pas connaissance. Un instant après, Simon entend appuyer la grande échelle de verger sur le mur du nord et Francine épouvantée, écoute le fracas d’un grand carreau qu’elle vient de nettoyer avec application ; son cœur se brise de façon similaire. L’homme jette un coup d’œil vers la soubrette où toute sa détresse est lisible ; et il se dirige vers le lourd verrou en signe de reddition. C’est l’autorité après tout et c’est le peuple… comme eux ! Monsieur et Madame sont partis hier et c’est mieux ; mais combien de temps auraient-ils pût rester là, à garder le château, sans gages et au milieu de tout ces bouleversements du royaume ; la fin du monde est en marche et les quatre chevaliers de l’apocalypse tambourinent à la porte pour réclamer leur dû.

 



11/03/2013
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