Franchir l'arc en ciel-L'amour, c'est le présent, jamais le futur... - Franchir l'arc en ciel

Devant ces remparts plusieurs fois centenaires, la moto semble un insecte insignifiant ; la taille immense de la muraille écrase le regard.

Jean est Lawrence d’Arabie sur son engin mécanique face à l’immensité du désert. Tamara aime voir à une distance raisonnable les murs faisant le tour de la ville ; dans son pays, une maison vieille de cent vingt ans est un site archéologique…

Le couple finit par entrer dans la vieille ville ; le pilote a du mal à se concentrer sur la circulation, tant le site est grandiose ; après s’être garés, la chaleur leur tombe dessus à l’abri des murs de la cité. Ils se mêlent aux touristes étrangers ; il faut dire que pour une fois, Jean est le touriste hors de sa région, quant à l’Américaine…

Ils ne suivent pas de guide, se promènent à travers les rues vivantes, mais qui ont de vrais commerces de vie, pas seulement des boutiques de souvenirs. Le garçon en remercie mentalement la population.

En se rapprochant de temps en temps des murs, le couple tombe régulièrement sur des groupes formés qui écoutent les explications historiques ou anecdotiques. Entre le français et l’anglais, ils en saisissent assez pour leur culture. C’est une métropole régionale fortifiée ; ça n’a pas la fonction militaire du port d’Aigues-Mortes visité le matin en coup de vent.

 Une glace ne les ayant pas satisfaits, ils sortent des murs pour chercher un logement dans la ville nouvelle. Dégotter un petit hôtel n’est pas si aisé, surtout avec une cour pour ne pas laisser le véhicule dans la rue. Mais leur bonheur est trouvé sous la forme du « Tramontane inc. ».

Une chanson dit :

« Mais si j'avais pu choisir l'endroit
            De ma naissance de ma vie d'homme,
            J'aurais sûrement aimé qu'il soit
            Sous les remparts de Carcassonne.
            J'ai le sang violent de leurs femmes,
            J'ai dans l'Hérault la tramontane
.[1]

 

« Oui monsieur, une chambre pour la nuit. » Le patron a un regard soupçonneux et inquiet. C’est vrai que le couple fait très jeune malgré les courbes de Tamara ; ils n’ont pas demandé un lit pour une heure non plus…

« La huit, premier étage gauche, on ferme le portail de la cour à vingt-deux heures.

— C’est très bien, merci » Lui répond Jean qui soutient son regard ; ils n’ont pas fugué non plus, alors inutile d’être sourcilleux.

Ce n’est pas le grand standing, mais c’est propre et grand luxe puisque la salle de bain est attenante à la chambre ; un seul grand lit trône au milieu de la chambre.

Maintenant, il est temps de réfléchir au trajet futur.

« Où veux-tu aller demain ? On prend quelle direction ? »

Jean est assis sur le lit, et tient sa carte de la dimension d’un timbre-poste dans une main ; il lève un demi-sourire vers elle. La fille le regarde fixement avec ses yeux si vivants et son sourire radieux qui ne la quitte plus depuis le départ d’Ardèche.

« Où tu veux ; sur le moto, on peut aller où tu veux… »

Il lui prend la main avec celle qui est libre ; ils ont très peu besoin de parler pour dire qu’ils sont bien là, à Carcassonne ou partout ailleurs, du moment qu’ils sont ensemble.

 

Ils trouvent un petit restaurant, dans les remparts ; le choix du menu reste un parcours du combattant ; le serveur ne comprend pas pourquoi on l’appelle toutes les minutes pour savoir s’il y a un fond de sauce ou de la gelée dans tel ou tel plat. C’est extrêmement complexe d’inviter quelqu’un de végétarien à manger dehors. La commande finit par être passée au grand soulagement du garçon de salle. Les deux sirotent leur soda. Jean l’a pris de la marque Gini.

« Vivre d’amour et de Gini » lâche-t-il dans un souffle, répétant le slogan en vogue, de la marque française. Tamara ne relève pas ; elle semble perdue dans ses pensées. Le fait qu’elle soit bien là avec l’Ardéchois, lui rappelle chez elle, par contraste…

« Je ne crois pas que je vais reprendre le soccer, là-bas ; je vais plutôt essayer de trouver un endroit où je pourrai continuer à grimper des parois, escalader au milieu de la nature préservée. Je veux vivre pleinement comme une personne qui ne mange pas de la bête et vivre contre la paroi me rapproche de cet esprit-là. Alors, je penserai moins à toi, mais tu seras présent dans le moindre trou de la roche ; comme dans la grotte blanche

Il y a une fille, dans l’équipe, Jennifer, dont le père est un des responsables du parc de Yellowstone ; elle a dit qu’elle lui demandera s’il y aura des places de guide pour l’année prochaine. Tu te rends compte ?... » Ses yeux brillent de joie à l’énoncé de cette bonne nouvelle ; Jean n’y voit que la confirmation de son départ prochain, inéluctable…



[1] Carcassonne, Michel Sardou 1979



29/05/2013
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