La main du diable-Les eaux du Mississipi

                             20 octobre 1825, 16 Heures 15

L’archevêque de la Nouvelle Orléans, Mgr Dubourg est très indécis ; ses doigts tapotent un dossier depuis une heure ; sur ce dossier un nom : Marie Laveau.

De chaque côté, une pile : l’une contient les demandes d’identification de faits miraculeux, l’autre les futurs exorcismes. Le deuxième paquet est bien sûr plus épais !

La Louisiane est le repère depuis des années de toutes ces Zabeth*, ces mambo avérées ou charlatanes. Lui a été nommé à ce poste parce qu’il connait bien cette secte qui a si bien adapté une partie une partie de la religion catholique ; le religieux est né à Cap Français dans l’ancienne Hispaniola, berceau du vaudou.

Cette femme, fervente pratiquante, et coiffeuse de son état est connue pour avoir réalisé des actes miraculeux. Elle est consultée par toute l’intelligentsia de la Nouvelle Orléans, blancs et créoles. Certaines dames ne prenant plus de décisions sans l’avoir consulté. Elle s’est remariée depuis quelques années et a plusieurs enfants. Son premier mari a disparu très vite après leur mariage, sans laisser de traces ; officiellement, mangé par un crocodile sur les bords du Mississipi.

Tout ce dossier sent le soufre ; d’un côté il y a la belle grande jeune femme, son commerce, engagée pour soigner les indigènes atteint par la fièvre des marais. Mais les rumeurs et les confessions font remonter des histoires incroyables d’envoûtements, de filtres d’amours et autres maléfices. Toute la partie occulte se déroule la nuit, face au lac Pontchartrain ou dans la Maison Blanche, une maison close où les filles lui obéiraient.

*Surnom de toutes les prêtresses vaudou quand on ne connaît pas leur nom

 

Bien sûr, le religieux a appris à faire la part des choses entre les calomnies et les phantasmes de vieilles bigotes jalouses ou d’amoureuses éconduites. Qui est la sorcière nommée Widow Paris qui dirige ses filles de petites vertus, très belles et très propres puisqu’elles se baignent et se lavent tout le temps les cheveux dans le Mississipi ? Etait elle en réalité Marie Laveau, la sainte femme très dévote et laborieuse ?

L’archevêque décide de la convoquer pour en avoir le cœur net. Le prélat doublé de l’homme, est content d’avoir pris une décision, même provisoire…

 

                                   28 avril 1874, 12 heures 00

Marie Glapion, alias Widow Paris, alias Marie Leveau, dirige ce soir là la plus grande cérémonie vaudou depuis des années ; elle danse entre les participants avec un énorme serpent en autour du cou au bord du lac Pontchartrain. Elle se fait passer pour sa fille depuis plusieurs années ; personne ne pourrait comprendre qu’elle fête ses 100 ans aujourd’hui. Toutes ces années, elle a été la meilleure de la Louisiane, fourni des candidats à la noyade par centaines, par milliers soit directement soit par les filles de la Maison Blanche. Les crocodiles ont eu bon dos mais ont eu leur dose de viande, après le prélèvement de la chose par le trou derrière l’oreille.

Tout a bien failli s’arrêter en 1825, quand l’archevêque a tout soupçonné. L’ecclésiastique connaissait trop bien les rites vaudous pour rester en poste. Une fois bu le filtre d’amour, il était facile de lui faire visiter toutes les chambres du bordel. Bien sur, le religieux est retourné en France, discrédité, sans pouvoir se défendre. Zabeth sourit, il y a bien dans la foule de ce soir, des dizaines de candidats à la baignade dans le Mississipi. Il sera satisfait.



12/06/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 7 autres membres