Le bio, forces et faiblesses - Benoît XIII ou le roman de Terrisse

   Le paysan qu’elle a croisé un kilomètre plus haut, lui a indiqué le chemin avec un sourire goguenard. Il faut dire qu’il était sur un tracteur Fendt flambant neuf et passait son herbicide avec une citerne énorme ; drôle de voisinage pour l’agriculteur particulier qu’elle allait voir. Virginie l’a trouvé, assis sur une vieille bâche en tissu, avec un sac en jute à ses côtés et un tas de… cornes de vaches ! Le chapeau de paille s’est relevé alors que le quad survenait.

« Bonjour, vous êtes Hugues Chapier ? Dit-elle avec son sourire franc ; sa queue de cheval, libérée de dessous le casque, ne s’est pas encore immobilisée. Je suis Virginie Lombart de Cotignac ; il paraît que vous avez une remorque à vis à vendre ? Puis avisant les cornes de bovins, la jeune fille ne peut contenir une deuxième question : Vous faites quoi ? L’homme encore jeune, mais qui a le teint de quelqu’un aillant baroudé sous toutes les latitudes, semble las de devoir répondre à l’évidence.

-Je les remplis de préparation 500, cela ne se voit pas ? Puis devant l’air interdit de la gamine, il s’adoucit : C’est de la bouse de vache séchée dans ce sac, c’est indispensable de planter dans la terre assez rapprochées, des cornes pleines, puis de laisser agir la recomposition microbienne du sol. Virginie a vaguement entendu parler de ça ; elle essaye de mettre des engrais organiques dans ses vignes, car ils c’est mieux pour les oligo-éléments et renouveler le sol, mais de là à se servir de vieilles cornes comme contenant…

-Vous êtes en bio, c’est ça ? Là, l’homme fatigué prend un air insulté ; il se lève comme si on l’avait aiguillonné.

-Ha non, les agriculteurs soi-disant bio se contentent de ne pas utiliser de désherbants chimiques pour travailler le sol et de polluer avec du cuivre… Moi, je suis en biodynamique, je respecte la vie, les cycles naturels, je ne dérange presque pas le sol, les lombrics, la Terre…

-Ha pardon, je ne connaissais pas la différence, je ne suis dans les vignes que depuis deux ans ; j’ai vu votre annonce chez le marchand de produits phytosanitaires justement. Je suis en train de revoir ma réception de vendange ; c’est pour cela que j’ai besoin d’une remorque à vis… si on s’entend sur le prix… L’homme s’est fortement calmé ; il a un sourire profond et un peu lointain, comme lorsqu’on salut des amis au loin qui repartent après une belle journée. Il prend la direction de son cabanon, où un hangar ouvert est adossé. La remorque à vendre, est effectivement là, mais une odeur prégnante de pourriture s’échappe du auvent malgré son ouverture sur trois côtés. Virginie ne peut s’empêcher de se boucher le nez tant l’effluve est nauséabonde. Le paysan original ne semble pas du tout affecté par une odeur presque palpable.

-Ce sont mes décoctions de prêle et mes purins d’ortie qui sont dans ce coin ; c’est vrai que ça sent un peu fort…

Voilà, la benne est là ; je n’en ai plus l’usage puisque j’ai vendu le tracteur ; il me tassait le sol en roulant. Maintenant, j’ai un ami qui vient avec un cheval pour griffer le sol, mais pour le peu que je fais, je pourrais le faire tout seul. J’en veux deux mille cinq, avec la cardan ; vous êtes bien sympathique mademoiselle ! dit l’homme qui s’est enfin aperçu du physique avenant de sa visiteuse.

-Merci monsieur Chapier ; je pourrais presque la ramener avec mon quad par les chemins de terre, mais je vais en parler à ma mère d’abord. » Deux minutes plus tard, elle est repartie vers Terrisse en pensant plus à sa rencontre qu’à la remorque. Quel curieux personnage ! Son cabanon doit être imprégné de l’odeur ; elle est pressée de rentrer prendre une douche, persuadée que les effluves du purin d’ortie la suivent.



25/03/2013
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