Le train des pignes - Benoît XIII, le roman de Terrisse

Le train ralenti au milieu de la côte ; des escarbilles passant devant la vitre, montre que le monstre de feu et de fonte force dans la montée. Les pins ne sont qu’à quelques mètres. Les gens, dans ce wagon de troisième classe se regardent tous en ce demandant s’ils vont un jour arriver à destination. Le militaire dans son costume bleu horizon neuf, a l’allure des grands guerriers, mais le regard las. Que fait-il encore en tenue complète, alors que l’armistice a été signé il y a 18 mois ? Il est monté en gare de Draguignan avec son casque et sa besace. L’homme qui l’observe est en habit noir, avec le chapeau haut de forme surmontant une moustache fine et entretenue. Il est accompagné de sa femme et de son petit garçon ; ce dernier se trémousse sur le banc en bois. Le voyage doit commencer à être long pour lui, et ses os maigres ne doivent pas bien coïncider avec les planches disjointes. Le militaire les a vu en entrant dans le wagon, avant de s’asseoir devant eux. Le gamin doit avoir à peu près l’âge de son René ; il ne l’a vu que deux fois depuis le début de cette saloperie. Plus que quelques petites heures, et il le serrera dans ses bras pour toute la vie puisque c’était la der des der ! La locomotive est de plus en plus à l’agonie. Les passagers commencent à se regarder et un brouhaha monte parmi les usagers mécontents et inquiets. Le dragon moderne fini par s’immobiliser dans un dernier soubresaut. Un ouvrier des manufactures de chaussures, reconnaissable à la poussière sur sa casquette et à l’odeur acre dans son sillage, se penche à la fenêtre autant que son long cou peut lui permettre. Un employé du train fini par faire irruption dans le wagon enjoignant les passagers à descendre sur la voie pour soulager la locomotive. Le col bleu dit tout haut à son collègue, ouvrier aussi,  après un coup de coude: « Elle ne marche vraiment bien qu’à la descente ; on n’est pas près d’arriver à Barjols ! » Le monsieur en habit regarde inquiet les deux grosses malles disposées sur le côté. « Ces voyageurs sont bien chargés ou partis pour longtemps !  Se dit le militaire de trente deux ans. Laissez tout là, on ne descend que pour quelques centaines de mètres, Monsieur ; ensuite, c’est la gare de Flayosc et c’est plat. Descendez avec votre p’tite dame sur le ballast et ne vous éloignez pas trop de la voie pour qu’on ne vous oublie pas en repartant…

-C’est bien aimable a vous, soldat. L’homme cherche du regard un signe distinctif pour reconnaître le grade ou l’arme du militaire. Les bandes molletières indiquent un soldat du rang ; les petits losanges sur le col de la vareuse, indique un artilleur et la médaille sur le cœur, un acte de bravoure. Mais l’homme en habit, est parti depuis si longtemps de France, et la guerre, il ne l’a lu que dans les journaux suisses. Vous auriez la gentillesse de nous indiquer la gare de Rognette ? Nous descendons à Cotignac…

-Ho oui, pas de souci, dit le soldat avec un large sourire ; je suis moi-même de Cotignac, bien que leur guerre fraîche et joyeuse m’a gardé trop longtemps loin de ma femme et de mes vignes…

-Ha oui ? Mes ancêtres avaient aussi des terres et des vignes à la limite avec Entrecasteaux ; nous nous rendons dans une ancienne métairie qui faisait partie du domaine de ma famille, et que nous venons d’acquérir. Je suis Jean Pothonier et voici mon épouse Sophie et le petit Louis… Le militaire en uniforme bleu horizon a du mal à détacher son regard du garçonnet d’une dizaine d’année.

-heu oui, et moi l’artilleur première classe Ernest Lombart, et plus pour longtemps, puisque je vais être démobilisé le mois prochain ! Nous auront sans doute l’occasion de nous revoir, j’ai une campagne de famille quartier Terrisse.

-Terrisse ? Un électrochoc parcourt la colonne vertébrale du bourgeois ; mais il ne dit rien. Terrisse



18/04/2013
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