Si vous fuyez, vous êtes mortes - Le feu sous la glace

   La cuisinière émaillée ne chauffe que sur un tiers de sa surface, mais c’est bien suffisant compte tenu de la taille de la pièce. Les murs épais, l’étroitesse des ouvertures, tout concourre à conserver la moindre calorie émise par le poêle qui sert à tout si loin de tout. La promiscuité a été grande entre les quatre femmes toute la nuit ; un seul grand lit est poussé contre le mur, June et April ont dormi à même le sol en lauze mais non loin du point de chauffage. La nuit a été courte à épier le moindre bruit extérieur différent des rafales de vent. Comment est arrivée madame Calmant ? Cette question a tourné en boucle toute la nuit dans la tête de la brune ; des frissons l’ont tenu éveillé en partie : le froid, le vent, la peur des gendarmes et de ce fantôme de leur passé à trois pas de là. Le mobilier, simple, tout en bois donne une base de rangement, mais le désordre inhérent au fait de dormir si près les unes des autres dans une seule pièce, n’arrange rien. Les deux femmes blondes dans l’unique lit, sont étrangement calmes ; froides, résolues, comme durant le repas frugal de la veille. La directrice a demandé des nouvelles à chacune sur sa vie, ses déboires, et demi victoires mais elle paraissait déjà tout savoir. Madame Calmant s’est surtout intéressée aux disparitions, comment les filles avaient procédé, comment elles s’étaient déguisées, comment les hommes étaient morts. Elle a juste fait une grimace au moment où la gendarme lui a précisé qu’un seul corps avait été immergé.

« On avait pourtant convenu de les faire disparaître complètement afin d’éparpiller les recherches ? La femme entre deux âges sert une grosse louche de soupe de légumes à chacune dans une écuelle bosselée.

-On n’avait pas prévu qu’il fasse si froid cette semaine, et que le lac si accessible la première fois, soit impraticable ; se justifie October. Le plus embêtant, c’est le dernier qu’on a dû laisser directement à l’hôtel. Là, plus de doute sur les assassinat… Elle baisse la tête, elle si sûre d’elle tout le temps. Les deux autres sont stupéfaites.

-Ce n’est pas grave, les filles ; c’est fini de toute façon et je suis très fière de vous toute. Les mecs sont des salauds ; ça vous le savez depuis longtemps, et vous en avez retiré quatre du milieu et fait réfléchir tout les autres de langue française. Moi, je mène ma propre croisade qui est parallèle à la votre… Elle s’arrête un instant ; de toute façon, il faut aller se reposer, demain on sera fixées. »

Pour se laver ou faire ses besoins, c’est bien pire que dans le garage à cause de l’étroitesse de la pièce et du froid vif qui pique les fesses à l’extérieur. Emilie a l’impression de vivre un cauchemar éveillée ; les crimes étaient au moins précédés de moments sympas en discothèque et en belles tenues. Là c’est toilette du chat devant tout le monde, et corvée d’eau fraîche à cinquante mètres dans un ruisseau givré. En réalité, elle a l’impression d’être à nouveau emprisonnée dans le foyer de réinsertion avec la même garde chiourme glaçante. June vient à sa rencontre dans la neige elle porte un autre seau vide comme si il s’agissait d’un sac à main du dernier chic à la capitale.

« Tu le sais toi, April, combien de temps on va devoir rester dans ce frigo ? La rousse tremble comme un homard dans le court bouillon ; ces chaussures ne sont même pas lacées.

-Non mais j’ai l’impression que partout où on ira ensuite, cela risque d’être encore pire ! Regarde, on a du beau temps au moins ! La brune a l’air d’une vraie paysanne avec son seau d’eau puisé à même le ru.

-Il faut qu’on rentre encore du bois depuis la soupente ; on est de vraies bergères ! Nathalie dit ça partagée entre le sourire et l’effroi. Les deux jeunes femmes hésitent à rentrer à nouveau dans le chalet, de peur de déranger les blondes en plein sabbat.



05/03/2013
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